Je suis le chemin,
Celui qui glisse entre les taillis.
Faufilé
Huilé de lumière.
Je suis le chemin
Et celle ou celui qui marche dessus.
*
Un pas.
C’est ça.
Un pas
Ou même un pas trop vite
Un pas encore,
Car il faut la lenteur
Pour être parmi les feuilles
Il faut la patience et le guet.
*
Mon pas
donc,
minuscule et doux
Et qui traine.
Ou bien vif et chantant
Et qui trotte, après tout.
Et qui trotte après rien.
*
J’hésite et je me penche.
J’écoute les fleurs
et les tiges blondes
Dont l’une, élue,
se fiche entre mes dents.
Une halte peut-être,
dans le silence des racines émergées,
une halte sans doute
en compagnie des flaques,
si le chemin soudain se déroulait
trop vite.
*
*
*
Angélique VILLENEUVE, Eugénie RAMBAUD, Les herbes folles,
Le port a jauni, 2019.
Les herbes folles
Angélique Villeneuve, Eugénie Rambaud (Ill)
Traduit en arabe par Golan Haji
Le port a jauni, 2019.
Un chemin de mots
Le port a jauni est une maison d’édition courageuse et originale qui propose des livre-objet manipulables dans les deux sens de la lecture, et donc adaptables à la langue du lecteur. En effet, le poème, Les herbes folles est l’histoire d’un chemin et de celui qui y marche, et il peut se lire dans les deux sens de la lecture, en français comme en arabe, et le lecteur se prête au jeu de la manipulation de cet ouvrage. C’est un long poème qui se veut modeste, histoire de chemin, mais aussi de pas,
« Mon pas,
Donc
minuscule et doux,
et qui traîne »,
D’attention à la nature, aux fleurs, aux herbes, aux oiseaux, aux bourdons. C’est aussi un poème du rêve, comme celui qui font les enfants : « Il faudrait… » « Je serais .. »
L’illustration d’Eugénie Rambaud sert littéralement de fil de lecture, puisqu’il s’agit d’un fil de coton brodé sur du papier, puis embelli par des feuilles dessinées autour et qui, évidemment, court dans les deux sens lui aussi.
C’est donc un profond et subtil livre poétique que le lecteur tient entre les mains, que ce soit au niveau du texte ou des illustrations.